Peter Von Kant

Source image : http://www.telerama.fr

Film de François Ozon

Avec Denis Ménochet, Khalil Gharbia, Isabelle Adjani…

Date de sortie en France : 6 juillet 2022

Peter Von Kant est un homme profondément malheureux. Cinéaste à la renommée internationale d’une cinquantaine d’années, il vit dans un très bel appartement à Cologne accompagné d’un assistant dévoué et soumis qu’il prend plaisir à maltraiter et à humilier à la moindre occasion. L’alcool, la drogue sont par ailleurs des dérivatifs qui l’aident à calmer les angoisses dans lesquelles le plonge la solitude. Puis vient une rencontre qui change tout, pendant un temps.

Son amie Sidonie, actrice et chanteuse célèbre (formidable Isabelle Adjani), lui rend visite et lui parle d’un jeune homme qu’elle aimerait lui présenter. Il s’appelle Amir et son charme est dévastateur. Le coup de foudre a lieu, les yeux du cinéaste s’illuminent à nouveau. Une joie de vivre intense renaît. Une envie de créer aussi. Peter décèle chez Amir des qualités qui peuvent faire de lui une star. Il est beau, il a de l’allure… Usant de toute l’influence et du pouvoir que lui confère son statut de réalisateur reconnu, il veut l’introduire dans le milieu du cinéma, le pousse à devenir acteur. Très vite, il, lui propose aussi de vivre sous son toit. Hésitant, Amir se laisse pourtant convaincre. L’opportunité est trop belle…

François Ozon adapte librement une pièce de théâtre et un film de Fassbinder « Les larmes amères de Petra Von Kant ». Petra devient Peter et alors que le film originel évoquait le milieu de la mode, Ozon choisit de parler d’un monde qu’il connaît par coeur, celui du cinéma. Il est question de domination, de manipulation, de dépendance affective, d’histoire d’amour torturée… Autant de sujets que le cinéaste a abordé de nombreuses fois dans sa filmographie. On a parfois l’impression d’être au théâtre (comme dans « Huit femmes »): l’action se déroule quasi exclusivement dans un seul et même lieu (l’appartement de Peter), le jeu des comédiens paraît volontairement outré, ampoulé. La prestation de Denis Ménochet est particulièrement impressionnante. Avec une grande justesse, il parvient à rendre très crédible sa part de féminité par le corps, la voix, les attitudes. Il joue un personnage désespéré, violent, excessif et il réussit à le rendre presque attachant. Peter Von Kant est en quête d’absolu et exprime un besoin d’amour immense. Dans cette quête, il se perd car il semble mélanger réalité et fiction… François Ozon pose la question de savoir si la création artistique est compatible avec une vie personnelle sereine, apaisée. Au spectateur d’y réfléchir.

Eté 85

Film de François Ozon

Avec Félix Lefebvre, Benjamin Voisin, Philippine Velge

Date de sortie en France : 15 juillet 2020

Été 85, une station balnéaire normande… Dans une reconstitution soignée, François Ozon met en scène la rencontre de deux personnages que tout oppose : Alexis, 16 ans, est sérieux, rationnel, cérébral alors que David, à peine plus âgé que lui, est spontané, fonceur, irréfléchi. Des contraires qui s’attirent irrésistiblement. David exerce une fascination certaine sur Alexis grâce à son aisance relationnelle, son charme. Il sait donner de l’affection sans compter, fait tout pour séduire son nouvel ami. Une histoire d’amour naît et Ozon filme parfaitement ces moments de bonheur simples et purs que procurent les premiers amours, où l’on apprend tout l’un de l’autre, où tout est découverte et enchantement.

Alexis est un personnage touchant. Malgré ses doutes, il se frotte au réel. Il met ses peurs au placard, quitte à en souffrir. Il fait son expérience, vit intensément la joie puis la tristesse. Il grandit (il échappe au cadre trop resserré de la cellule familiale), se construit au contact de ce David qui révèle assez vite sa part sombre, beaucoup moins séduisante. Car David fait du bien à son compagnon, mais aussi du mal. Mais comment ne pas succomber, comment se protéger quand tout est nouveau? Sur son chemin il fait une autre rencontre importante : Kate, jeune fille au pair anglaise, est la confidente compréhensive et patiente dont il a besoin pour avancer.

Eté 85 est donc le récit d’un apprentissage, en accéléré. Vivre et grandir, c’est accepter de faire des erreurs, d’expérimenter la douleur de la perte, de se relever de ses échecs. Et aimer une personne, c’est la considérer pour ce qu’elle est réellement, et non pas chérir l’idée que l’on s’en fait. Alexis apprend ainsi à de méfier des histoires qu’il se raconte, des fantasmes illusoires. Il parvient à « échapper à son histoire » comme il le théorise si justement.

Cette histoire fulgurante est mise en scène de façon habile par François Ozon qui parvient tout au long du film à distiller du suspense autour du destin des deux protagonistes. Tous les personnages sont interprétés de façon très juste : Valéria Bruni-Tedeschi, mère de David, interprète formidablement l’exubérance et la toxicité. Isabelle Nanty et Laurent Fernandez, parents d’Alexis, sont au contraire tout en retenue face à l’évolution de leur fils. Ils acceptent ses choix et l’affection discrète qu’ils lui témoignent est émouvante. Le charme du film tient aussi à cette description subtile de milieux sociaux différents dans lesquels les sentiments ne s’expriment pas de la même manière.

Tremblements

Film de Jayro Bustamente

Avec Juan Pablo Olyslager, Diane Bathen, Mauricio Armas

Date de sortie en France: 1er mai 2019

Le film débute par une scène étouffante. En pleine nuit, sous une pluie battante, un homme rejoint en voiture une résidence ultra sécurisée. C’est sa maison, mais il ne semble pas y être le bienvenu. A l’intérieur, sa femme et plusieurs membres de sa famille, dont ses parents, l’attendent de pied ferme. Aucune parole n’est échangée, il s’effondre dans son lit, accablé semble t-il de tristesse, de honte… Le film nous dévoile petit à petit la vie complexe de Pablo, tiraillé entre ses devoirs de mari et de père de famille et son amour pour un autre homme, Fernando. Pour sa famille ultra conservatrice et pétrie de valeurs religieuses, l’homosexualité est un scandale, une abomination. Le mot même d’homosexualité n’est pas prononcé car n’est pas même pensable. Tout est entrepris, jusqu’à une solution extrême, pour remettre cet homme dans le « droit chemin », pour sauver les apparences d’une famille traditionnelle.

Tout au long du film, Pablo tâtonne, hésite, est constamment accablé par cette impossibilité de vivre pleinement et sereinement son désir. Toute la dureté de cette vie empêchée et entravée est magnifiquement portée par le jeu tout en intériorité de Juan Pablo Olyslager, superbe dans ce rôle.

A une époque où la lutte pour les droits des couples homosexuels portent ses fruits avec la reconnaissance du mariage dans de nombreux pays, ce film guatémaltèque nous rappelle que cette évolution sociétale majeure est loin d’être la règle, notamment en Amérique du Sud où l’Église défend âprement sa vision de la famille et de la société.

Ma vie avec John F. Donovan

Film de Xavier Dolan

Avec Kit Harington, Natalie Portman, Jacon Tremblay

Date de sortie en France: 13 mars 2019

John F. Donovan, interprété par Kit Harington (le célèbre Jon Snow de Games Of Thrones), est un jeune acteur rendu célèbre par une série américaine. Il est au sommet de sa gloire, courtisé par Hollywood. Parmi ses fans, un petit garçon anglais avec qui il va entretenir une correspondance pendant plusieurs années. C’est ce garçon, devenu adulte et lui-même acteur, qui nous raconte son histoire. Une histoire marquée par le secret, le mensonge. Xavier Dolan aborde par ce biais des thèmes qui lui sont chers: l’acceptation de soi, la quête d’identité. On retrouve sa « patte »: une mise en scène qui met à l’honneur le jeu et les visages des comédiens, une exploration des rapports mère/fils teintés d’amour et de haine, une BO pop… Le spectateur est touché en plein cœur par ce héros tragique qui ne parvient pas à se libérer de ses chaînes. Le film est un appel à vivre sa vie, sans honte, sans barrière. Il invite chacun à se battre, à ne pas avoir peur de l’adversité et du regard des autres. Une grande profondeur est atteinte car sont posées des questions existentielles et universelles (qui sommes-nous vraiment, quel sens donné à sa vie?) et insiste sur l’importance de la transmission.